Le Désir (chez Spinoza)

(…)

Le Désir est d’abord “l’effort pour persévérer dans l’être”. Certes, cette définition est d’abord celle du conatus; mais celui-ci est le fondement de tout être, tandis que, appliqué à l’être humain, il est mieux désigné comme “Désir”. L’effort pour persévérer dans l’être s’exprime concrètement en l’homme comme effort et dynamisme visant à l’accroissement de la puissance d’exister, qui est la même que la puissance d’agir. Le Désir n’est donc pas une simple force (ni un instinct), il est un dynamisme significatif qui vise à l’accroissement de sa propre puissance.

Cette visée, ce mouvement ne sont pas aveugles ou absurdes (comme le croira Schopenhauer), mais revêtent au contraire une signification : le Désir poursuit la joie. Celle-ci est en effet fondamentale : elle est le sentiment vécu de la puissance d’agir et d’exister. Il ne s’agit pas de la recherche d’une domination sur autrui. La puissance, ici, est la force intérieure d’agir et d’exister. Et la joie est le sentiment qui accompagne et qui exprime l’accroissement de cette force intérieure.

Certes, il existe aussi des “diminutions” de cette puissance d’exister. Elles sont alors exprimées par le sentiment de tristesse. (…)

Cette conception du Désir comme “essence de l’homme” et poursuite de ce qui accroit sa puissance d’être, et donc sa joie, permet à Spinoza de constituer simultanément une anthropologie des affects et une base pour l’éthique. Tous les affects, en effet, sont des formes de la joie ou de la tristesse.

Par exemple, l’amour est une joie accompagnée de l’idée de sa cause et donc un accroissement d’être référé à la présence de l’autre. Inversément, la haine est le sentiment d’une diminution de son pouvoir d’être, issue d’une référence à l’autre. 

 De cette anthropologie philosophique, soulignant l’effort de tout individu pour “imaginer” ce qui accroîtra son pouvoir et donc pour fuir la tristesse et vivre la joie, Spinoza tirera un enseignement moral : ce qui est “bien” est ce qui confirme et favorise ce mouvement vers la joie. On pourrait dire non seulement que, comme être de Désir, l’homme est justifié à poursuivre sa joie, mais encore que cette poursuite est sa véritable vocation. C’est pourquoi la vertu véritable consiste non pas à se livrer à l’angoisse et à la souffrance mais, au contraire, à déployer la recherche de sa propre conservation et à poursuivre son bonheur par le développement de son véritable Désir et l’accès à une joie véritable.

Ainsi le Désir est à la fois le fait premier, comme essence de l’homme, et le but ultime, comme finalité de l’éthique : celle-ci consiste en effet à rechercher les voies pour le meilleur accomplissement possible du Désir. Libérer celui-ci des passivité de la passion et de la souffrance c’est, grâce à la connaissance philosophique, le faire accéder à sa propre réalisation.

C’est donc sans contradiction que Spinoza, grâce à l’affirmation du Désir, passe d’une anthropologie factuelle (qu’est-ce que l’homme?) à une éthique de la valeur (le désirable ultime comme joie parfaite)

Robert Misrahi – 100 mots sur l’éthique de Spinoza – Désir

Zlib

100 mots sur l’Ethique de Spinoza

LE CORPS ET L’ESPRIT DANS LA PHILOSOPHIE DE SPINOZA

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