Qu’est-ce que la « wokeness » ?

 

 

« Et si la wokeness n’était rien d’autre que le retour de la raison sensible ? »

Émilie Carrière

ἐφ’ ἡμῖν τὸ ἀγαθοῖς εἶναι, καὶ το ἀδέσποτον τὴν ἀρετήν.

Il dépend de nous dêtre bons, et la vertu est de n’avoir pas de maître

Plotin [Traité 39]

paru dans lundimatin#416, le 19 février 2024
 
 

De part et d’autre de l’Atlantique, les discussions autour du signifiant woke, fer de lance des inquiétudes civilisationnelles des réactionnaires, ont énormément consommé d’énergie politique et intellectuelle. L’intervention d’Émilie Carrière, que nous traduisons ici, consiste, dans cette conjoncture, à faire un pas de côté, en posant une question aussi naïve que la philosophie : étant donné que l’existence, au moins supposée, du wokisme implique celle d’une qualité woke, en quoi consiste cette dernière ? À la stratégie sceptique qui a largement prévalu jusqu’ici dans les rangs progressistes ou révolutionnaires, de dénier toute cohérence et toute essence au wokisme (comme à ses prédecesseurs du « politiquement correct » ou de l’ « islamo-gauchisme »), on propose ici de substituer une proposition positive : et si, derrière les gesticulations idéologiques, ’woke’ renvoyait à un concept, à un problème authentiques, voire au mouvement même de l’histoire ?
Cette ambition paradoxale, d’une élucidation de la wokeness (appellation retenue ici, par contraste avec un « wokisme » fantômatique), implique de la prendre infiniment plus au sérieux que ne le font ses détracteurs, pour comprendre que leur inquiétude n’est pas sans objet, que woke renvoie bien à un problème : la catastrophe continue de Lumières prises dans le mouvement de dissolution indifférenciée du capital, qu’il a été jusqu’à présent impossible de juguler par aucun prétendu universalisme ou humanisme. Défendre cette thèse nous emmène sur un jardin aux multiples sentiers, saisissant à neuf l’élan platonicien de l’idée, opérant des croisements entre Sade et Kant, repensant la relation entre éthique, rationalité, et sensibilité. Ce texte, chapitre extrait d’un ouvrage à paraître intitulé Brutalisme Woke [1], est un appel à l’éveil collectif.

La version anglaise originale est toujours disponible ici. [2]

Source: Qu’est-ce que la « wokeness » ?

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